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Moments précieux
14 novembre 2013

Dimanche à la campagne

Ces dimanches-là commençaient le samedi matin… à l’heure où résonnait le klaxon de l’épicier… celui qui allait de village en village à travers la campagne. Le camion se garait devant la maison… « L’épicier est là » criait-on du bas de l’escalier à ma tante et maman occupées à l’étage. « Dites-lui d’attendre, on arrive » répondaient les grandes personnes.

Début de l’aventure pour les filles de la ville que nous étions, mes sœurs et moi, que d’aller acheter un paquet de sucre, une boîte d’allumettes ou tout autre chose que recelait cette caverne d’Ali Baba ambulante…

L’après-midi… c’était une autre aventure que d’aller chercher le lait à la ferme dans ce village d’Eure et Loire.

Le broc de lait que nous portions vide à l’aller chacune notre tour et que nos cousines, plus grandes, portaient au retour.

La ferme des Gaillard, la grand-mère pliée en deux, dont le corps formait un angle droit et qui marchait, travaillait, servait le lait ainsi… le coq et ses poules… je me souviens d’un coq malade dont nous prenions des nouvelles…

Et avant que le dimanche arrive, nous allions parfois à la messe… celle du samedi soir…

Encore une aventure la messe… Chez nous, à la ville, ni catéchisme, ni communion, ni messe… Le plus exaltant était les pièces que nous donnait notre tante pour déposer dans le panier de la quête et qu’on était tenté de garder pour acheter des bonbons… 

J’aimais cette heure de messe où j’étais un peu perdue… Quand se lever ? Quand s’asseoir ? Un missel entre les mains pour lire les paroles des chants… ne pas savoir dans quel sens faire le signe de croix… quelques moments d’ennui quand on ne prie pas, quand on se doute déjà qu’il vaut mieux compter sur soi que sur Notre Père…

… et puis ce moment précieux où chacun se rangeait dans l’allée centrale pour communier… ce moment où nous étions les seules à rester sur les bancs, nous les filles de la ville… la tentation était pourtant forte d’aller goûter cette hostie défendue.

Subir la tentation dans une église, je n’en savourais pas tout le plaisir à cet âge.

J’ai gardé de ces messes campagnardes le goût de me perdre, de ne pas savoir et je goûte maintenant le plaisir de ne pas résister à une tentation.

Et puis le dimanche arrivait… je me souviens d’un de ceux de l’année 1976… l’année de la canicule comme on l’a longtemps baptisée jusqu’à ce qu’une autre canicule vienne la détrôner dans nos souvenirs…

Le cabanon en bois au fond du jardin que nous appelions pompeusement « le garage »… Un bois gris, une porte fermée avec un crochet, sur le côté un pan qui se rabattait et faisait office de « bar »… à l’intérieur du bazar… mais de celui dans lequel on retrouve toujours tout…

A l’extérieur, le jardin, ce bout de campagne avec le château d’eau blanc qui veillait au loin, le chien du voisin qui aboyait quand on s’approchait trop près de la clôture pour aller chercher un ballon, le grincement de la balançoire… mon cousin qui nous assurait que si nous nous balancions trop fort, nous pouvions faire le tour du portique ! 

Près du « garage », des chaises longues… vous savez celles en bois et en tissu rayé… Ce dimanche-là, il faisait chaud, très chaud… Nous tenions « le bar »…

« Bonjour Monsieur, qu’est-ce que vous voulez boire ? »

« Une bière fraîche servie sans mousse » répondait mon oncle.

Essayer de servir la bière sans mousse… et ne pas y arriver pour le plus grand plaisir de mon oncle qui pouvait jouer le client fâché.

Apporter les verres à chacun sans les renverser…

Et puis, après le déjeuner, à l’heure de la sieste… Partir en voyage… s’installer au volant de la vieille DS noire garée dans un coin du jardin depuis des années… laissée là en panne par un ami de mon oncle et que personne ne s’était soucié de réparer… Autre aventure que cette voiture… « Bonjour, monsieur, vous allez où ?»… et mon cousin de répondre « à Paris, s’il vous plait »… Nous chargions des bagages imaginaires mais lourds et volumineux dans le coffre. Et nous voilà partis pour Paris, grâce au volant qui tournait encore, au tic-tac du clignotant imité par l’un ou l’autre… Ensuite, ma cousine rêvait de Provence… et c’était des heures de route, de jeu, d’imagination, d’impression d’être grands dans cette DS magique…

Le soir, le piano ou une séance de cinéma venait continuer l’aventure et la magie de ce dimanche. La caméra super 8 de mon oncle nous emmenait vers le passé… revoir notre grand-père déjà parti pour un voyage sans retour, nous voir faire nos premiers pas hésitants dans l’herbe du jardin…

Le piano jouait cet air là que j’ai toujours en tête mais dont je ne serais pas capable de vous dire le nom… le dimanche s’achevait sur cet air de tendresse familiale.

 

Cabotine, novembre 2013

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Commentaires
C
@ Hélène<br /> <br /> Heureuse que mon texte t'ait permis de voyager vers ces beaux souvenirs d'enfance... et je continue...
H
Absolument superbe ton texte. Comme toi je garde de merveilleux souvenirs de toute cette période et un sentiment de Liberté de tous ces Dimanches à la campagne...<br /> <br /> Merci pour ce beau retour en arrière, continue....
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